Maurice BENADON
Maurice Benadon est né le 12 décembre 1914 à Thessalonique. Il a deux frères et deux sœurs ; un frère décédé jeune, une sœur aînée Renée Pauline, un grand frère Albert et une jeune sœur Liliane. La famille parle français – comme la plupart des Juifs de Thessalonique. La famille quitte Thessalonique en 1927/1928 pour aller en France, à Paris, via Marseille. Maurice Benadon continue d’abord d’aller à l’école, puis travaillera chez son beau-frère, Juif polonais et tapissier de métier. Le beau-frère aide son beau-père à acheter une petite boutique. Maurice Benadon travaillera dans l’entreprise familiale (commerce de gros de textiles) située dans le quartier du Sentier à Paris. Vers 17 ans, il devient communiste, suit des cours de marxisme et d’économie politique à l’Université ouvrière de Paris, devient un militant actif de la cellule communiste de la rue Chardon-Lagache et participe à des manifestations contre le fascisme et la guerre. Il chante dans un chœur où il rencontrera sa future femme Simone. En revanche il ne participe pas à la vie de la communauté juive.
Lorsqu’il se porte volontaire pour aller faire la guerre en Espagne, sa mère refuse de le laisser partir. En 1939 il acquiert la nationalité française.
Avec l’occupation de la France par les Allemands, sa famille se réfugie en zone libre, d´abord à Cannes puis à Nice. Maurice Benadon participe alors à des actes de sabotage, sera dénoncé et arrêté, interrogé par un officier italien puis relâché après s´être fait rappeler à l´ordre. Son père meurt en 1941 d´une maladie du cœur.
Sa sœur Renée réussit à fuir en Suisse. Après la capitulation de l’Italie en septembre 1943 et l’occupation de Nice par les Allemands, les contacts avec la Résistance s’intensifient. La famille part pour Lyon où la mère, en proie à la dépression, est hospitalisée. A Lyon, Maurice Benadon qui habite au 19 de la rue St Jean, se rallie à un groupe de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide et participe à des actions de résistance, l’Armée secrète [ndt: en français dans le texte] les fournissant en armes et matériel pour fabriquer des bombes. Blessé lors d’un accident, il doit se faire soigner à l’hôpital, mais reprendra aussitôt après ses activités illégales. Il devient chef d’un groupe de la Résistance comptant de nombreux Juifs polonais sachant parler yiddish. Ce groupe commettra des attentats à la bombe visant des transformateurs électriques et des dépôts d´armes (…).
C’est alors qu’il discute avec un camarade que Maurice Benadon est arrêté en pleine rue lors d’une rafle, le 29 juin 1944, qui avait pour objectif de recruter pour le travail obligatoire; deux hommes armés du PPF (Parti Populaire Français) [ndt: en français dans le texte], directement subordonnés à la Gestapo, en étaient chargés. Il est envoyé à la prison de la Gestapo à Lyon et, placé dans une cave pour y subir un interrogatoire, sera torturé jusqu’à en perdre connaissance, mais n’avouera rien. Il est ensuite envoyé à la prison du Fort de Montluc. Il sera quelques jours plus tard transféré à Drancy par train de voyageurs. Le 31 juillet 1944, il est déporté de Drancy vers Auschwitz par le convoi 77. A son arrivée à Auschwitz le 3 août 1944, il est immatriculé B 3682. Affecté au commando chargé de construire les routes, il souffre de la dureté du travail et de malnutrition. Ne sachant pas parler yiddish, il ne sera pas intégré à la défense du camp et se sent alors très seul. Mais il se maintient en bonne santé. Seul un accident de vélo au cours duquel il se blesse à la cheville, lui donnera un peu de fil à retordre.
Le 28 octobre 1944, il quitte Auschwitz pour Stutthof, puis Hailfingen en novembre 1944 (matricule 40 490), où une dysenterie « l’épuise » tellement qu’il pense à se suicider. Le 13 février 1945, il est déporté de Hailfingen vers Vaihingen/Enz, où il contracte le typhus. Il sera finalement libéré du camp le 7 avril 1945 par les troupes françaises. Le 10 avril 1945, il est transporté à l´hôpital militaire de Strasbourg, où il passera quelques semaines, avant de partir pour Paris. Après avoir passé une nuit à l’hôtel Lutetia, il se rend à leur ancien appartement, ayant entendu dire que sa famille y était revenue. Il y retrouve sa mère, sa jeune sœur et son frère. Sa sœur ainée s´étant cachée en Haute-Savoie ; c´est également en Haute-Savoie qu´il retrouvera d´ailleurs quelques mois plus tard sa femme.
Maurice Benadon a eu une fille Muriel, née en 1952, deux fils Jean-Claude et Marc, nés en 1955, et trois petits-enfants. Il décèdera le 1er avril 1999.
Maurice Minkowski parle de Maurice Benadon comme de son « copain » [ndt: en français dans le texte], tous deux déportés du convoi 77, ils étaient restés en contact jusque dans les années 1990.
L’interview accordée par Maurice Benodon à l‘USC Shoah Foundation, a été enregistrée le 9 juin 1995 à Paris.
En août 2009, nous recevons de Nicole Mokobodzki, membre de l’U.J.R.E (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide), l’adresse du fils Jean-Claude. Elle avait recherché pour nous des informations sur Maurice Benadon et Maurice Minkowski et avait publié nos questions dans les revues de l’U.J.R.E. Le 7 octobre 2009, le fils de Maurice Benadon nous répondra :
« Mon père Maurice Benadon est mort le 1er avril 1999 à Paris. Mon père a eu trois enfants avec sa femme Simone : l’aîné Jean-Claude ensuite Muriel et enfin Marc. Bravo pour votre travail de mémoire…» [ndt: en français dans le texte].
Jean-Claude Benadon accepta notre invitation à assister à l’inauguration du Mémorial qui eut lieu en juin 2010. Dans un entretien à Johannes Kuhn, il racontera : « Mon père avait le typhus à son retour. Je le revois extrêmement maigre, il marchait à l’aide d’un bâton ; il en a été ainsi pendant un an, un an et demi. J’ai en mémoire des images assez terribles. Mais d’un autre coté…il témoignait d’une très forte volonté de vivre. Il savait qu’il avait un fils, moi en l’occurrence, et cela le maintenait en vie, je crois. Lorsque les Français ont libéré [les détenus du camp de concentration de Vaihingen/Enz], ils ont repéré ceux qui allaient mourir et ceux qui allaient pouvoir être soignés. Selon eux, mon père était mourant. Mais il réussit encore à s’échapper et à aller jusqu’à Strasbourg pour y être hospitalisé et soigné ».
Sources :
- Registre
- Liste des déportés du convoi Auschwitz-Stutthof
- Liste des déportés du convoi Drancy-Auschwitz
- Carte personnelle de détenu de Drancy
- Jean-Pierre Arthur Bernard, Paris rouge, 1944-1964, Seyssel 1991
- David Diamant, 250 combattants de la Résistance témoignent: témoignages recueillis de septembre 1944 à décembre 1989, Paris 1991 [ndt: en français dans le texte].
- Informations de Claude Benadon (Paris) le 26/11/2008, dont le père Albert Benadon était un neveu de Maurice Benadon.
- Interview accordée à l´USC Shoah Foundation en date du 09/06/1995, Code 30 297. La photo en est extraite.